Comprendre la vision

Les complexités de l'œil humain – du point aveugle et de la macula à la vision centrale (ou fovéale) et la vision périphérique

Comment notre cerveau compense les défauts de conception de l'œil humain qui laissent perplexe.

6 mai 2022
  • Les complexités de l’œil humain

Au cours des 500 derniers millions d’années, l’évolution a produit, à partir d’un simple point sensible à la lumière, une formidable variété d’yeux. Le cap ainsi franchi s’est révélée une étape majeure de l’évolution, les êtres vivants dotés de vision bénéficiant de nets avantages par rapport aux membres d’espèces aveugles. Les chercheurs ne s’accordent pas pour déterminer si cette variété descend d’un proto‑œil unique ou si l’œil résulte de mutations survenues indépendamment à de multiples reprises. Les besoins de différents organismes ont engendré différents types d’œil, de l’œil plat, en passant par l’œil‑puits, l’œil camérulaire en trou d’épingle et l’œil complexe ou composé, jusqu’à l’œil à cristallin des vertébrés, humains compris. Ce dernier type d’œil représente l’un des organes de la vision les plus sophistiqués jamais produits par l’évolution. Le développement de l’œil à cristallin a rendu possible une perception de l’environnement à la fois nette et lumineuse. Pourtant, même l'œil humain a ses faiblesses évolutives…

Notre cerveau, qui travaille en collaboration avec nos yeux, tient un rôle crucial dans le monde complexe de la vision humaine. Discrètement, sans effort manifeste, il compense les failles de nos yeux. C’est un modèle exemplaire de travail d’équipe !

L’évolution de l’œil à cristallin des vertébrés – donc de notre œil humain – a donné lieu à un événement très curieux. Contrairement à la seiche, par exemple, qui possède des yeux très sophistiqués en forme de bulle et portant des lentilles, nés de l'invagination de la peau extérieure, l'œil humain s'est formé - apparemment au hasard - de manière tout à fait différente, en tant qu'excroissance du cerveau. De prime abord, la différence semble minime, et même source d’avantages puisqu’elle permet à un œil de la même taille de contenir davantage de cellules photoréceptrices. Toutefois, de façon étonnante, nos cellules photosensibles sont positionnées dans le mauvais sens sur la rétine, orientées vers l’intérieur de notre corps, tandis que nos cellules nerveuses pointent vers la source lumineuse. En d’autres termes, notre œil est « à l’envers », obligeant notre cerveau à remettre les images dans le bon sens. Cela a une conséquence supplémentaire : l’être humain, ainsi que l’ensemble des vertébrés, présente ce que l’on appelle un point aveugle.

Le point aveugle (papille ou fovea centralis)

1. Le point aveugle | 2. La macula | 3. Le nerf optique | 4. La conjonctive | 5. La cornée | 6. La chambre oculaire | 7. La pupille | 8. L’iris | 9. Le cristallin | 10. Le muscle ciliaire | 11. L’humeur vitrée | 12. La sclère | 13. La choroïde | 14. La rétine

Le point aveugle (papille ou fovea centralis)

La tache aveugle, ou scotome, est l'endroit de nos yeux où le nerf optique traverse la rétine pour rejoindre le cerveau. Conduit constitué de cellules nerveuses, le nerf optique forme une espèce de « trou » dans la rétine : la partie correspondante du champ visuel n’est pas perçue faute de cellules photoréceptrices pour en capter la lumière. Cette mauvaise conception apparente de la rétine, qui produit la tache aveugle dans notre champ visuel, est désignée par les experts comme l'œil inversé. Le point aveugle est situé à quelque quinze degrés du côté nasal de la fovea. En règle générale, cette absence d’informations visuelles n’est pas perçue par une personne en bonne santé, son cerveau interpolant le point aveugle grâce aux détails environnants, aux informations provenant de l’autre œil ainsi qu’aux calculs correspondant à différentes images résultant des mouvements oculaires.

La première référence connue au point aveugle date de 1660 et est due au physicien français Edme Mariotte.

Mise en évidence du point aveugle

Mise en évidence du point aveugle

Marche à suivre :
Fermez l’œil gauche et, du droit, regardez fixement le point situé à gauche. Positionnez votre œil à une distance de l’écran équivalente au double de celle qui sépare le point du centre de la grille à l’écran. À présent, reculez lentement la tête pour l’éloigner de l’écran. Vous vous apercevrez que, à un certain point, le centre évidé de la grille a été « rempli ». Cela correspond au point aveugle, celui auquel l’absence d’informations visuelles est comblée par le cerveau.

Le meilleur allié de la tache aveugle : la macula

Outre un point aveugle, chaque œil humain présente une zone de la rétine qui offre une vision précise de grande qualité et est désignée sous le nom de macula ou macula lutea. C’est au centre de la macula que l’on trouve la plus importance concentration de cônes, cellules qui constituent l’un des deux types de cellules photoréceptrices de l’œil. Cette petite cavité centrale - la fovea centralis - est située au milieu de la macula et est responsable de la netteté de la vision centrale.

La nuit, tous les chats sont gris

Les animaux qui ont besoin d’une bonne vision nocturne ont le plus souvent de grands yeux : songez aux hiboux, à des animaux exotiques tels que les tarsiers et simplement aux chats. D’ailleurs, les chats ont une rétine particulière, dotée d’une membrane réfléchissante qui permet à une plus grande quantité de lumière de lui parvenir. L’œil d’un chasseur nocturne a une structure différente de celle d’un œil humain. Contrairement aux membres de notre espèce diurne, les animaux nocturnes disposent d’un nombre de bâtonnets (cellules sensibles à la clarté) plus important que celui des cônes (responsables de la perception des couleurs).

Chez nous, les cônes jouent donc un rôle central dans la vision en couleurs. Nous disposons de cônes de trois types, chacun présentant une sensibilité maximale respectivement à la lumière rouge, bleue ou verte, ce qui correspond aux longueurs d'onde caractéristiques de la lumière du jour. La nuit, nous ne bénéficions plus de la lumière correspondant à ces trois longueurs d’onde. En conséquence, nous n’avons plus accès aux informations relatives à la couleur et seuls nos bâtonnets restent actifs ; c’est pourquoi nous voyons tout en gris.

Pourquoi nous ne regardons jamais vraiment les choses

On peut dire que chaque être vivant a les yeux qu’il mérite. Pour un animal qui court en permanence le risque de finir dans l’assiette d’un prédateur, il est important de disposer d’un champ de vision aussi étendu que possible. Ainsi, les lièvres, les chevreuils et autres proies potentielles ont les yeux placés sur le côté de la tête. Cependant, cette disposition rend les distances et la profondeur difficiles à évaluer pour eux.

Nos yeux orientés vers l’avant nous permettent une excellente évaluation de la profondeur et des distances, bien que nous ne jouissons pas d’un champ de vision à trois cent soixante degrés, qui ne nous est sans doute plus nécessaire.

Saviez‑vous qu’il n’est pas tout à fait exact de dire que nous regardons fixement un objet lorsque nous concentrons notre vision sur lui ? Les cellules photoréceptrices de notre rétine réagissent uniquement aux changements de conditions lumineuses. Si notre regard restait fixement dirigé vers un objet, l’image immobile commencerait à s’estomper. Mais, comme toujours, la nature a une solution : nos yeux réalisent en continu de tout petits mouvements sans que nous nous en rendions compte, pour que nous puissions garder l’œil concentré sur l’objet de notre intérêt tout en percevant les objets qui nous entourent. Ainsi, même si notre attention est fixée sur un point unique, nos yeux font constamment de petits mouvements rapides, appelés saccades.

Vision centrale et périphérique

La vision périphérique représente une partie de notre vision qui n’appartient pas à notre regard dirigé, central. L'objectif de la vision périphérique est de nous donner une première impression ou un contexte avant de nous concentrer sur quelque chose, elle fonctionne donc très différemment de notre vision focalisée. La vision périphérique, bien qu’elle couvre plus de quatre‑vingt dix pour cent de notre champ visuel, n’a accès qu’à quelque cinquante pour cent de nos cellules photoréceptrices. En gros, cela signifie que la capacité à distinguer les détails fins est négligée dans notre vision périphérique en raison de son acuité visuelle, ou résolution, beaucoup plus faible. Toutefois, notre vision périphérique est beaucoup plus efficace pour la perception du mouvement, car nous gardons la faculté de détecter rapidement les menaces potentielles.

La vision périphérique et les verres ophtalmiques

La vision périphérique et les verres ophtalmiques

Comme nous le savons tous, lorsque la vision commence à se brouiller, il est temps de chercher à obtenir des lunettes pour corriger nos défauts visuels. Mais l’art de la production de verres réside dans la création d’une  conception de verres   qui permette non seulement de restaurer la netteté de notre vision centrale, mais également de nous offrir une vision périphérique confortable et détendue. En conséquence, les calculs réalisés pour la fabrication des verres demandent aussi bien une expertise mathématique que des compétences optiques. Ils ont pour objectif de rendre la vision périphérique du porteur ou de la porteuse identique à ce qu’elle serait sans correction. Cela est particulièrement délicat s’agissant de produire des lunettes à verres progressifs ou des lunettes de sport à verres enveloppants.

Saviez‑vous que ce n’est pas notre vision centrale qui détermine le temps nécessaire pour s’adapter à l’usage des verres progressifs dans les zones de vision de près et de loin comme dans le couloir de transition, mais bien les changements de notre vision périphérique ? Ces changements peuvent entraîner un effet de déformation, qui peut être perturbant de prime abord. Mais il n’y a pas de quoi s’inquiéter : notre cerveau s’adapte rapidement à ces changements. Nous nous habituons rapidement à notre nouveau style de vision et finissons par percevoir la périphérie comme parfaitement « normale ».

Il faudra toutefois garder en tête deux conditions importantes :

  1. Demandez conseil à votre opticien pour savoir quels sont les verres progressifs qui vous conviennent le mieux.
  2. Portez vos nouveaux verres progressifs de façon quasi‑continue dès leur obtention – en particulier dans des circonstances où vous vous déplacez beaucoup. Cela vous aidera à habituer beaucoup plus rapidement votre cerveau à votre vision nouvellement améliorée.

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